La situation ou le mémoire

Cette seconde partie traite de la facture intermédiaire ou finale (situation et mémoire) telle que prévue au code de commerce, dans le code civil et dans les normes françaises NF P 03-001 de décembre 2000. Cela implique en général l’intervention de différents intermédiaires (architecte, maître d’œuvre… et tout autre intervenant nécessaire : conducteur de travaux, responsable de chantier, etc…).

A chaque phase bien précise de la volonté d’exécution d’un paiement, des moratoires (résumés détaillés) sont indispensables (voir la liste exhaustive ci-après).

Une situation est, au même titre que la facture, le prolongement de la réalisation du devis. En effet, lorsque ce dernier est signé, les travaux sont engagés. En cours d’exécution de travaux, l’entreprise peut présenter une situation. Ce sera une photographie de l’avancement des travaux à la date de la présentation, autorisant le paiement par fraction, tel que prévu dans le devis et/ou la commande ferme.

Les pièces comptables du droit à acompte et à solde

Les pièces comptables fixant le droit au paiement des acomptes ou du solde dus à l’entrepreneur sont :

Les états de situation (situation de départ, intermédiaire ou finale) ;
Les mémoires (récapitulatifs finals).

1- La situation de travaux

Les situations sont des documents établis et signés par l’entrepreneur. Ils doivent être suffisamment détaillés (en pourcentage d’avancement ou en euros) pour permettre de vérifier la quantité et la valeur des travaux exécutés pendant une période donnée. Les situations sont généralement arrêtées à date fixe, convenue au cahier des charges du marché (cela varie mais les situations sont demandées en début ou fin de mois). Leur présentation est également variable en fonction du maître d’œuvre. Ce document est très important et sera vérifié par l’architecte (maître d’œuvre) qui validera le paiement.

2- Les mémoires

Les mémoires (résumés explicites et définitifs de tous les points ayant trait à l’exécution) sont remis par l’entrepreneur au maître de l’ouvrage, dans un délai fixé au cahier des charges particulières. Si ce délai n’est pas observé, le maître de l’ouvrage, après mise en demeure, peut faire dresser un mémoire par son architecte aux frais de l’entrepreneur. Dans un délai complémentaire fixé au marché, l’architecte vérifiera les mémoires. En cas d’inobservation de ce délai, l’entrepreneur pourra demander un dédommagement pour le préjudice subi. Concernant l’établissement du mémoire définitif, voir norme AFNOR P 03-002, art. 17.6.1 et s.

Mesures d’ordre général

Obligations de l’architecte

Les évaluations de l’architecte doivent être sérieuses, et ce d’autant que, le plus souvent, le maître de l’ouvrage n’a pas la possibilité de juger par lui-même de l’importance des travaux.

L’architecte qui ne procède pas à une vérification sérieuse des mémoires commet une négligence coupable pouvant être génératrice de dommages-intérêts, notamment dans le cas où l’imperfection notoire de certains travaux aurait exigé un examen beaucoup plus serré (Cass. Civ, 27 octobre 1959 : Bull. civ. 1959-1-363). Une simple indication de chiffres donnée par l’architecte au maître de l’ouvrage sur le montant des travaux ne peut équivaloir à une vérification détaillée des mémoires (Cass. Civ., 22 octobre 1959 : Bull. civ. 1959-1-356).

Arrêté de compte

Un compte n’est arrêté que s’il a été discuté, approuvé ou ratifié dans les conditions qui impliquent, dans la commune intention des parties, la volonté de fixer définitivement leurs situations réciproques.

Pour qu’il y ait arrêté de compte, il ne suffit pas qu’il y ait eu réception des travaux et versement de sommes. Il faut établir que les divers articles du compte ont fait l’objet d’un examen détaillé.

Contestations de l’entrepreneur

L’article 17.6.3 de la norme AFNOR P 03-001 prévoit que l’entrepreneur dispose d’un délai de 30 jours à compter de la notification du décompte définitif qui lui est faite par le maître de l’ouvrage pour présenter ses observations éventuelles au maître d’œuvre et en aviser éventuellement le maître de l’ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

La thèse selon laquelle il serait en droit de contester le décompte définitif au-delà de l’expiration du délai de 30 jours a été rejetée par les juges comme contraire à l’accord des parties (CA Paris, 23ème ch. Section A, 24 novembre 1999, n° 359, SARL entreprise Canard c/ SCI Les Maniquets).

Ne constituent pas les ‘’observations’’ exigées par la norme AFNOR les termes d’une lettre recommandée envoyée par l’entrepreneur à la suite du rejet de son mémoire, en réclamation par laquelle il se borne à informer le maître de l’ouvrage du fait qu’il maintient ses prétentions sans fournir aucun motif (Cass. 3ème civ., 4 décembre 1991, n° 90-13.335, arrêt n° 1817 P, Société Savouré c/ Société Poilane : Bull. civ. III, n° 303 ; RD imm., janvier-mars 1992, p. 134).

Le maître de l’ouvrage, de son côté, dispose, aux termes de l’article 17.6.4 de la norme AFNOR P 03-001, d’un délai de 40 jours pour faire connaître par écrit s’il accepte ou non les observations de l’entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.

Versement des acomptes et du solde

Les paiements sont effectués suivant les conditions et aux époques fixées par le marché, sur propositions délivrées par l’architecte, ce dernier étant tenu, dans un délai raisonnable, de donner ou de refuser son accord de paiement. En règle générale, cet accord en devrait pas excéder huit jours.

Les acomptes

L’architecte n’est pas, en principe, le mandataire de son client et n’a pas le pouvoir d’engager irrévocablement le maître de l’ouvrage. Dès lors, une proposition de paiement ou un ‘’bon d’acompte’’ émis par l’architecte ne saurait avoir la valeur d’un véritable titre de créance (Cass. Civ., 13 juillet 1959 : Bulletin Civ. 1959-1-278 et Cass. 3ème civ., 17 mars 1982 : Gaz. Pal., 27-31 août 1982).

En revanche, si l’architecte est mandataire du maître de l’ouvrage, son accord engage ce dernier (Cass. 3ème civ., 2 novembre 1982, arrêt n° 1446).

Enfin, l’architecte qui se porte fort de la ratification du contrat par le maître de l’ouvrage, est tenu personnellement au règlement des travaux en cas de défaillance du maître de l’ouvrage (Cass. 3ème civ., 8 novembre 1978 : Gaz. Pal., 3 avril 1979).

Propositions d’acompte

Pour obtenir une proposition d’acompte, l’entrepreneur doit justifier, dans les délais prévus, de son droit à cet acompte par les pièces du marché.

Le paiement des acomptes

Le paiement sera effectué par le maître de l’ouvrage dans le délai prévu au marché à dater de la remise des états de situation (habituellement : 30 jours, norme P 03-001, art. 18.3.1).

Absence de réception des travaux

En l’absence d’une réception des travaux, notamment pour cause de malfaçons, le paiement du solde n’est pas exigible, car on suppose les travaux inachevés tant que la suppression des malfaçons ne sera pas intervenue (Cass. 3ème civ., 15 novembre 1968 : Bull. civ. III, n° 475).

Recours en cas de non-paiement

En vertu des dispositions de l’article 1315 du code civil, c’est à l’entrepreneur, demandeur dans une action en paiement, qu’incombe la charge de prouver l’exécution du contrat. On peut pour cela avancer toutes sortes de preuves (chèque, note du client sur un papier, courrier, commande…).

L’entrepreneur, dans le cas où un contrat est signé, a la possibilité de déclencher une procédure judiciaire (injonction de payer). Une fois que l’injonction de payer est enregistrée au tribunal, le client a 30 jours pour la contester. Malheureusement, trop de consommateurs connaissent les ficelles et entraînent les entreprises dans des directions incertaines.

En effet, le client peut dans les 30 jours refuser de payer en motivant ce refus. La procédure d’injonction de payer est donc annulée (dans la mesure où les arguments avancés par le client sont crédibles sur le papier). Ensuite, la seule procédure qui pourra provoquer le paiement reste l’expertise judiciaire. C’est, là encore, une période difficile et coûteuse. Aujourd’hui, il faut compter entre dix-huit et vingt-quatre mois de délai pour obtenir un jugement.

Précisions

C’est la partie qui réclame qui avancera le coût d’intervention de l’expert. Dans ce genre de procédure, il ne faut pas oublier le coût que représente l’avocat.

Avant d’entamer une procédure judiciaire, il est avisé de peser la situation pour s’assurer d’un minimum de résultat.

Il existe d’autres voies moins coûteuses qui sont, par l’intermédiaire d’un professionnel (expert), la réalisation de protocoles d’accord sur la base du code civil.

A l’inverse, le maître de l’ouvrage qui se prétend libéré doit prouver le paiement ou justifier un fait qui entraînerait l’inexécution de ses obligations.